mercredi 17 juin 2015

La reine des lectrices

Auteur: Alan Bennett
Édition: Denoël (traduction française), 2009, Folio
Pages: 122 p.

RÉSUMÉ
La Reine des lectrices est une fiction concrétisant un scénario hypothétique que s'imagine Bennett: Et si la reine Élisabeth II se plaisait un jour à découvrir la lecture au point d'en négliger ses obligations royales?

Un petit roman qui cache d'immenses portes ouvertes sur le pouvoir de la littérature et de l'imaginaire.
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La Reine des lectrices m'a happée et ébahie du début à la fin, autant par sa richesse intellectuelle que par ce quasi train-train quotidien habitant les péripéties du roman. En effet, ce calme, je ne l'ai remarqué qu'après avoir finit ma lecture, tant les monologues intérieurs des personnages sont forts et que le quotidien de la Reine est différent du mien. Sans oublier qu'il est raconté d'un point de vu assez captivant: celui du maître de parade lui-même.

La fiction se concentre principalement sur l'évolution d'Élisabeth II en tant que lectrice, détaillant ses peurs, ses appréhensions face à un livre, puis, tranquillement, les critiques et les avis qu'elle se permet, plus confiante, de faire par rapport à sa lecture. Le livre lui permet peu à peu de réfléchir à sa propre vie, à elle-même, à ce qu'elle aimerait réaliser en tant que femme d'action. Tout au long de ce processus, le pouvoir de la lecture se met en place, et c'est ce que j'admire de l'écriture de Bennett. Il réussit avec tant de crédibilité à me faire voir les rouages de l'enchantement du livre. Il réussit à me montrer comment moi-même j'ai évolué à un moment, parce qu'Élisabeth II est comme moi: c'est une lectrice. À ses débuts, je suis même "meilleure" qu'elle. Son personnage agit comme miroir, c'est tout. Et c'est énorme. 

Alors que la Reine me donne les outils pour comprendre la puissance du livre, celui-ci me projette à la fois dans une fiction si réelle qu'en fin de compte, je suis piégée... et ravie. Peut-être que le cadre de la fiction, hyper réaliste, m'aide à croire dur comme fer à la vie de la Reine. Je suis celle qui a accès à toutes ses pensées, celle qui, à ses côtés, observe les regards de désapprobation des hommes qui l'entourent, la protègent, organisent sa vie, contrôlent tous ses faits et gestes publiques.

Ce contexte réel, s'il satisfait ma curiosité de fan de la royauté, provoque surtout ma réflexion. Bennett n'aurait pas pu choisir de meilleure candidate en vie pour illustrer la puissance d'un nom, d'un symbole, confrontée à celle d'une simple fiction. Pour illustrer cette rivalité, les conseillers de la reine, le peuple anglais, les hommes de marques et les médias sont autant de composantes entrant en contact avec notre personnage principal. J'ai appris une partie du fonctionnement de la vie publique d'Élisabeth II, et j'ai pu voir comment un simple changement dans ses habitudes pourrait mettre toute l'organisation qu'elle représente en danger. Le danger, c'est celui de ne pas plaire à tous, d'avoir un hobby pour soi. Et ses raisons minables, si elles me font réfléchir sur le pouvoir, me font surtout réagir à cette espèce de prison qui, plus on monte dans la hiérarchie, s'agrandit, englobant nos nouvelles responsabilités, nos associés, et notre impersonnalité, excluant toujours plus de notre individualité.

Ainsi, avec la lecture, Élisabeth II réussit à se retrouver, n'ayant pas réalisé s'être perdue ou, plutôt, ne s'être jamais connue. N'est-ce pas magnifique...

Bref, ce livre est un grand coup de cœur, comme quoi le nombre de pages n'équivaut pas la grandeur de ses propos. 



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